Extrait de l'ouvrage "Gouesnou d'hier à aujourd'hui" par Alain Bossard et les Amis du Patrimoine

Le 7 août, on apprend que des colonnes de blindés américains défilent sans arrêt à Plabennec et se dirigent sur Bourg-Blanc et Plouvien.
Au clocher de Gouesnou, les Allemands observent tous les mouvements de troupe. Huit parachutistes français, dans la région depuis quelques jours, s’apprêtent à les attaquer, tandis que les FFL traquent l’ennemi de toutes parts. Tout le bourg est en émoi : mitrailleuses et mitraillettes commencent à crépiter vers 13h30.

Le poste de vigie installé dans le clocher est assailli ; les Allemands résistent. Les parachutistes sont contraints à se replier, laissant derrière eux deux morts. Le docteur Baudet de Brest, de passage, est également tué au cours de l’action. Les Allemands ont un tué et deux blessés. L’ennemi demande du renfort : les lignes téléphoniques partant du clocher ont bien été coupées. Mais trop tard ! Et entre temps, alertées, les troupes stationnées à Roc’h Glas foncent sur Gouesnou.

Ferme Phélep

Ferme Phélep

Les soldats font d’abord une halte à la ferme Phélep de Penguérec où ils mettent le feu à la maison et aux tas de paille et de foin. M. Phélep essaie de parlementer avec eux, mais il ne peut se faire entendre. L’ennemi est furieux, écumant littéralement de rage. Voyant qu’il n’y a rien à faire, M. Phélep invite les siens à quitter la maison où la fumée devient suffocante. Le père Phélep s’enfuit vers Kéragalet, mais des Allemands à ses trousses l’abattent et pour l’achever, disposent une grenade dans sa poche. Mme Phélep et sa fille Francine sont tuées en sortant de la maison. Les autres enfants qui ont pris une autre porte réussissent à s’éloigner. Mais Pierre Phélep, cependant sera tué près de la petite croix, à l’entrée de la ferme Paul, actuellement.

Après ce premier carnage, les Allemands reprennent la route pour le bourg. Ils font taire les dernières résistances qu’ils rencontrent puis descendent jusqu’à l’école des soeurs pour voir s’ils n’y trouveraient pas des terroristes. L’un d’eux est furieux « on dirait un démon » et il ne cesse de répéter : « nix correct, civil français tué militaire, nix correct ».

Quittant l’école des soeurs, ils se mettent à ramasser tous les hommes qu’ils trouvent sur la rue, dans les abris et les maisons où ils entendent parler. Aux cris poussés par les parents, la soeur infirmière (Soeur Paul) sort dans la rue et lève les bras pour demander d’approcher : on lui répond par un coup de fusil, auquel elle échappe de justesse. Tous ont défense de sortir et de regarder. Un homme, Sébastien Le Ven, père, se risque dans une fenêtre : il reçoit une grenade en pleine figure ; il est tué sur le coup.

Les hommes capturés sont alors emmenés vers le village de Penguérec. Là, ils sont mitraillés et jetés en un tas : interdiction d’approcher. Il est environ 6 heures du soir. Les soeurs, en prières, dans leur abri, entendent très bien la fusillade.

Vers 7 h 30 du soir, une femme, Mme Donou arrive chez les souers, dans un grand énervement : « venez voir, dit-elle, il y en a tout un tas. Il y en a peut-être qui suivent encore… ». Soeur Paul, accompagnée de Soeur Hortense, s’en va immédiatement, malgré la canonnade et l’interdiction formelle à tout civil de sortir. Elles obtiennent l’approcher, par qu’il y a là une petite fille blessée, Yvette Kerboul. Elles la soignent ainsi que d’autres blessés. Puis un horrible spectacle s’offre à leurs yeux : tous les corps, hommes et femmes, jetés pêle-mêle sur un fumier, la plupart sont méconnaissables. Elles ne peuvent y toucher.

Il y en avait 42 en tout dont 9 inconnus : des gens qui rentraient de leur travail, ignorant tout de ce qui se passait ou bien qui fuyaient Brest.

Pourquoi cette rage contre Penguérec ? Peut-être parce que l’un des fils de la ferme a été dénoncé comme résistant ? ou bien parce que les Nord-Africains, libérés par les parachutistes avant leur repli, ont réussi à s’emparer du poste de projecteur de Penguérec ? On ne le saura sans doute jamais !

 

La commune a acheté les 18 mètres carrés du terrain où ont été fusillés les otages de Penguérec pour y élever l’ancien monument aux morts de la guerre 14-18 en mémorial de la tragédie du 7 août 1944. Chaque année, à la date anniversaire, la population s’y rend, après une célébration à l’église, pour s’y recueillir et dire une dernière prière.

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